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Asie Centrale

Voyage au Kirghiztan. Juillet 1998.

Article paru dans le n° 30 de la Gazette des Jardins.

 
 

6/7
Je suis le premier à l’aéroport. Bière et rebière… Arrivent ensuite Edith et Dominique Brochet-Lanvin, pépiniéristes bien connus de le Champagne, suivis de Patrice Blary, grand amateur de bulbes auprès de l’Eternel, puis de notre Grand Timonier pour ce voyage, un multilingue érudit irremplaçable, je le nomme, Pierre Guy, grâce auquel nous avons pu approcher des réalités qui nous seraient vraisemblablement restées cachées sans ses connaissances.

Paris, Francfort, Taschkent. Banal voyage d’avion. C’est long…


Arrivée à l’aéroport. Ça sent le neuf…et il fait déjà ou encore chaud, il est dix heures du soir.
Il va falloir  attendre au moins deux heures pour le visa que l’on n’avait pas pu obtenir assez vite à Paris. L’homme qui sera notre guide en Ouzbekistan nous attend, chaleureux francophile qui voudrait bien voir Paris !
Vite à l’hôtel. Uzbekiston Hôtel. Immense immeuble dans le grand style soviétique avec hôtesses à l’accueil.

7/7 
La nuit fut courte. La douche aussi peu chaude qu’hier soir. Première ballade avec Patrice dans les rues de Tashkent. Nous fonçons sur le premier parc que nous rencontrons pour la première étude botanique. On n’est pas là pour rigoler. C’est banal et décevant. A croire que Papa Meilland a réussi à leur coller ses rosiers.

Retour à l’hôtel. Nous partons illico à l’Institut de Botanique, où nous sommes reçus par le Directeur, Monsieur Pratov, spécialiste de la Flore Ouzbek. Nous visitons les très riches collections de l’herbier, puis nous partons pour la visite du jardin et des collections systématiques, malheureusement dans un état proche de l’extinction en ce qui concerne les herbacées. Nous rencontrons le professeur Russanov, celui là même ayant obtenu le magnifique Chitalpa tashkentensis après avoir hybridé Chilopsis linearis et Catalpa bignonioides, magnifique plante actuellement mise sur le marché par les pépinières américaines et européennes et dont la création ne rapporte actuellement pas le moindre kopek à son inventeur. Une honte.

J’en profite pour signaler que les chercheurs de l’Institut Botanique de Tashkent sont très demandeurs d’investissements étrangers. Un laboratoire d’huiles, éthers, peintures et plantes médicinales est près à étudier toute proposition. Contactez moi pour l’adresse.

Après-midi tourisme avec la visite du musée des Arts et Traditions Populaires. Très intéressant.

8/7 
Après un solide petit déjeuner, nous prenons la route pour rejoindre Osh au Kirgizstan après avoir traversé la grande plaine de Fergana. Arrêt au col de Kanteshik à 2100 mètres où je photographie mon premier géranium, une Spirée une Arenaria et une composée aux feuilles épaisses que nous déterminerons plus tard comme Ligularia. Nous la retrouverons partout au cours du voyage, grasse dans les verts pâturages frais et bien maigre dans les pauvres sols. Pareil pour les humains. Des femmes récoltent des plantes médicinales, armoises et hypericums.
Plusieurs haltes nous permettent les premières récoltes de graines.

Patrice est ébloui à la vue de notre premier Eremurus, puis finalement, c’est sur les pentes entières des petits vallons dans lesquels nous nous engageons que nous pouvons les voir.
Arrêt à un petit col où nous déjeunons dans une auberge au bord de la route, genre routier local, confortablement installés sur des lits banquettes sur des couvertures et des tapis en regardant passer quelques poids lourds poussifs et fumants dans la montée. Pendant ce temps un chiot couine sans cesse. Il vient de se faire couper les oreilles en pointes, et c’est encore tout frais…
Au menu : shashlik, yaourt, nouns, soupe de légumes et viande, tout cela arrosé de thé. C’est très bon. Un petit tour dans la montagne derrière l’auberge nous permet d’admirer les premiers rosiers, en gros buissons fleuris.

Nous repartons pour traverser la grande plaine du Ferganha où nous traversons beaucoup de champs de coton, fruits, céréales et points de contrôle policiers. Quelques cigognes nichent sur le haut des poteaux électriques, sans courts circuits.
Long arrêt à la douane, où Ouzbeks et kirghizes nous attendent chacun leur tour.

9 heures 30, nous arrivons enfin à l’hôtel d’Osh, deuxième ville du pays.
Nous mangeons dans un petit restaurant avec le guide et le chauffeur Ouzbeks que nous laisserons là demain. Les Kirghizes sont arrivés pour prendre le relais, retardés par un gros glissement de terrain sur la route.
Mode d’emploi pour hôtel d’un ex  pays soviétique.
Prévoir votre serviette et votre savon, froisser vigoureusement le papier-cul pour le déglacer et attention aux tuyaux et fils électriques divers qui pendouillent de tous les cotés.
La salle de réception est lugubre, environ 40 watts pour 200mètres carrés et l’on devine à peine la vieille tenancière stalinienne derrière son comptoir, mais elle a encore de la voix.
Chambre au 7ième étage, qui nous permet une large vue sur la montagne et un petit mausolée de Babur (1483-1530) fondateur de la dynastie moghole en Inde.
Première impression du pays : moins misérable que l’Inde ou le Népal, seule comparaison que je puisse faire dans cette partie du monde, population mieux organisée malgré les éternelles longueurs, des gens pauvres mais apparemment pas de misère.

9/7
Nous commençons la journée par la visite du marché, toujours très intéressant dans tous les pays du monde. Beaucoup de fruits et de légumes, pièces détachées mécaniques en tout genre, le coin des pharmaciens avec une bonne trentaine de personnes vendent des médicaments pour la plupart européens à la pilule et au compte goutte, deux devineresses sont là aussi. Premier contact avec le lait de jument fermenté, puis la même chose mélangé à de l’alcool. Très surprenant.

Nous partons ensuite vers les premières montagnes du sud vers les monts Alaï pour herboriser. Une petite route bordée de grands panneaux à la gloire du nouveau Président de la République nous conduit vers un ancien sanatorium où nous nous arrêtons. Juste derrière, c’est la montagne et ses merveilles. Je suis particulièrement heureux d’avoir trouvé un Delphinium semibarbatum en fleurs. C’est jaune clair et si rare dans nos jardins ! Terrain extrêmement bien drainé. C’est ensuite un petit Teucrium à grosses fleurs crème que je découvre dans une paroi rocheuse et quelques rosiers.

De retour à Osh, nous montons sur le mont Suleyman pour visiter le mausolée, tout petit sur le haut avec un petit jardin d’eau à l’entrée. Des bouts de tissus sont noués sur les arbustes tout au long du chemin, témoignage antique des vœux des pèlerins. Ballade doublement intéressante, car aux dévotions et à la grandeur du site, s’ajoute une petite collecte de graines nouvelles. Eccremocarpus et Crambe.
Souper au restaurant Atilla, ça ne s’invente pas.

Grandes assiettes de crudités, soupe à la coriandre et au bœuf, toujours yaourt et des mantis, sortes de gros raviolis beaucoup plus bourratifs que les momos, leurs homologues tibétains, vin rouge à 16 degrés et la bouteille de vodka pour terminer. Bonne nuit Messieurs-Dames.

10/7
Ce matin nous devons quitter Osh, et c’est assez laborieux !
Nous rencontrons lors d’un arrêt le Glaucium squamigerum.
Nous partons enfin vers 10 heures pour rejoindre le lac Toktogul . Après de nombreuses heures sur de mauvaises routes, nous arrivons de nuit sous un début de pluie. Et il faut monter la tente sur le bord du lac.

11/7
Nous nous réveillons tôt, toujours sous la pluie, et grande surprise, toutes les collines qui descendent quasiment jusqu’au lac sont couvertes d’armoises fines et bleutées et de delphiniums semibarbatum, autrefois dénommé zalil. C’est un vrai plaisir.
Petit déjeuner sur place, et nous reprenons la route vers Susamyr. Nous apercevons quelques sépultures dans un petit cimetière, quelques-uns unes très anciennes datant de la grande époque du commerce de la soie. Quelques belles récoltes de graines. Terrible longue route sur le haut plateau. Arrêt vers 16 heures dans une petite auberge où nous régalons de truite saumonée et de carpe. Plus loin, apparaissent les premières yourtes au milieu des Eremurus en fleurs. Nous organisons notre campement le long d’un agréable ruisseau à 2750 mètres d’altitude.

12/7
Après le petit déjeuner, nous partons pour une longue marche sur les hauts plateaux, jusqu’à 3100 mètres. Nous rencontrons quelques vaches, puis un groupe de chevaux, accompagnés du cow-boy local. Cette journée fut l’une des plus riches du voyage d’un point de vue botanique. En altitude, de nombreuses Paeonia anomala, des Ferula, Rhodiola baignant sur le bord d’un ruisseau, en compagnie de Corthusa mathiola,  Ligularia, Codonopsis,                              et toujours les immensités d’Eremurus éclairant d’un jaune acide les immensités vertes et grises des armoises. En redescendant, je remarque un certain nombre d’élévations rondes, vraisemblablement une nécropole du 8ème siècle bordant une ancienne route.
De retour au campement, c’est le tri, et l’inventoriage des récoltes.

13/7
Après nous être arrêtés dans une yourte pour boire le koumis, nous reprenons une route sur un haut plateau. Nous arrivons rapidement à un village un peu désolé style ancien kolkhoze comme nous en verrons quelques-uns uns, avec le matériel abandonné dans des hangars sans toit. Un chameau entravé paraît le seul habitant, quand arrive deux anciens  dans une charrette à cheval.
Impossible de quitter le village sans une visite au mausolée du héros local, mort il- y a une vingtaine d’années à peine, 1m 98, 160 kgs dont un des exploits est d’avoir soulevé une pierre de 630 kgs. C’est une construction de bois, pierre et torchis avec des prières du Coran peintes sur les piliers en train de s’écrouler suite aux tremblements de terre, fréquents dans la région. Là encore, comme à Osh, des morceaux de tissus sont accrochés par les passants, persistances de l’ancienne religion animiste.
Plus loin, à l’approche de Chayek, nous visitons une nécropole dont les premières tombes datent du 12ème siècle, qui comporte trois types différents de sépultures : tumulus, mausolée à coupole et mausolée à berceau. Ce cimetière est toujours en usage. Quelques hommes sont en train de creuser une tombe, d’abord une fosse rectangulaire, puis dans un coin de celle-ci, au fond, une petite chambre ronde où sera déposé le mort.

Après une route longeant la rivière dans d’étroits défilés, voici Chayek, la ville avec ses quelques magasins et peu de marchandises, où nous faisons quelques courses alimentaires. Nous reprenons la route qui devient de plus en plus mauvaise. Les ponts ont été depuis longtemps emportés par les pluies d’hiver et la fonte des neiges, aussi, c’est à gué qu’il faut les traverser. Le premier gué est facilement passé, mais voici que la rivière s’élargit, et il faut maintenant traverser un nouveau bras, plus large. Le chauffeur s’engage lentement et s’arrête brusquement, bloqué sur une grosse pierre dans la rivière. Après quelques essais pour se dégager, le moteur cale rapidement. Nous sommes bloqués au beau milieu de l’eau. Tout de suite, nous sortons du véhicule, un ancien minibus 4 roues motrices de l’armée soviétique de marque Vaz. De l’eau pas chaude jusqu’aux cuisses, et  beaucoup de courant, nous faisons la chaîne jusqu’à la berge pour vider les bagages et tout le matériel de campement porté sur le toit. Mes premières récoltes sont parties dans l’aventure au fil de l’eau. Il est temps ! le 4x4 prend du gîte, et l’on s’attend à le voir partir avec le courant. Nous transportons à dos tout le matériel au sec et nous commençons à monter le campement dans la nuit et sous la pluie. Les Russes sont restés en bas à surveiller le véhicule, et Oh miracle, un camion transportant du charbon ( Plus loin nous verrons la mine à ciel ouvert) , arrive à tirer notre véhicule jusqu’à la berge.

14/7
Cette petite mésaventure va nous permettre d’herboriser le matin sur une zone qui se révèle très riche en Codonopsis tangshen, Phlomis oreophila, Eremostachys, Geraniums, Spirea, Clematis .
Plus bas dans la vallée, quelques camions passent le gué chargé lourdement de charbon, tandis qu’un vieux bulldozer tente de canaliser et de recalibrer la rivière.
A 15 heures, nous pouvons enfin repartir, après que le chauffeur ait fait la vidange et le séchage complet du moteur des filtres et réparé le pneu crevé par la même occasion.
Extraordinaire, mais un agent de police sorti d’on ne sait où a contrôlé que le véhicule était bien en état de marche. Nous reprenons la piste pour rejoindre un col à 3700 mètres. Là haut, nous circulons dans de grandes steppes dénudées avant de redescendre lentement vers le lac Sun-Kul que nous longeons. Tout au long des pasteurs semi-nomades se sont installés pour la saison d’été avec leurs troupeaux . Pierre cherche une vieille connaissance, que nous trouvons après plusieurs demandes. Nous sommes reçus sous la yourte pour le maintenant traditionnel koumis, accompagné d’un exceptionnel pain et de kaïmak, une crème fraîche très ferme et un peu sûre. Vraiment très bon !
Nous passons la nuit au bord du lac, en compagnie d’un chameau qui vagabonde autour des tentes, en s’entravant dans les tendeurs des tentes et qui ne partira qu’à 4 heures du matin après avoir bouffé les oignons de la cuisine et un coup de pied au cul.

15/7
Départ pour la montagne surplombant le lac, couverte d’une végétation peu variée. Edelweiss, minuscules gentianes, myosotis et un magnifique Corydalis thyrsiflora, jaune soufre de 30 cm de hauteur. Par contre la vue sur lac et la chaîne de montagnes au loin est superbe. Nous rejoignons le campement sous la pluie qui commence à bien tomber. Poisson du lac au repas du soir.

16/7
Départ par le col de Karakichi. Nous arrivons à Naryn, oasis de création relativement récente. Une superbe mosquée multicolore a été nouvellement construite. Tellement moderne qu’elle en paraît irréelle dans cet endroit. Nous faisons quelques courses au marché. Le prix des œufs est incroyablement élevé. Arrêt dans le restaurant local, puis nous repartons pour rejoindre le site de Tachrabat où nous arrivons en fin d’après midi.
Un tronçon de la route est en réparation. Le vieux revêtement est pioché, puis mis en tas avec de la terre sur place. Du goudron liquide est ensuite mélangé à l’ensemble, nivelé et roulé. Les produits pétroliers sont rares au Kirghiztan.

17/7
Grande journée d’herborisation dans la montagne avec Patrice. Nous remontons lentement la vallée au travers de grandes zones marécageuses à Carex nigra, petites gentianes, toujours la Ligularia ,qui, ici en altitude se miniaturise. Sur les pentes, de nombreux géraniums et Phlomis oreophila avec ses fleurs rose-mauves, qui pousse dans les coulées fraîches. Les marmottes sont nombreuses et pas trop farouches. Nous jouons à cache-cache un moment avec un bébé. Il n’a pas encore vu beaucoup d’humains sans doute…
Nous laissons la vallée pour nous élever un peu sur les flancs de la montagne. Et c’est le miracle : Des touffes d’Acantholimons en fleurs sont là, accrochées sur les pentes, toutes plus ventrues les unes que les autres. Spectacle plein d’émotion pour l’amateur de plantes alpines que je suis.
Retour tranquille après avoir admiré un grand cirque glaciaire.
Nous rencontrons deux yourtes sur notre chemin. Les poulains sont attachés aux alentours des tentes. Il est ainsi plus facile de récupérer les juments au pâturage le soir dans la montagne  afin de les traire.
Le soir, nous dînons chez notre hôte, le gardien du caravansérail, qui nous a préparé le plat national kirghize : le bischparmak. C’est un mouton qui nous procurera un gros bouillon aux pâtes pour commencer, suivi de la viande bouillie, intestins fourrés, et gros boudin fait avec les abattis.

18/7  
Nous repartons après que Pierre nous aie fait longuement visiter le caravansérail et raconté tous les fastes du temps passé, les grandes caravanes chargées de soieries, épices et autres marchandises en provenance de la Chine toute proche. De grands yaks paissent dans la prairie.
Tout autour de nous, les collines précédents les chaînes de montagnes sont gris bleuté, couvertes de cette armoise qui colore toute la région.
Repas de midi dans un restaurant à Naryn, où nous nous sommes déjà arrêtés il y a deux jours. Ambiance glauque d’un ancien resto officiel du parti, où l’on recevait les hôtes de passage dans la région. Vieilles draperies sur les murs, décrépitude générale, y compris dans les assiettes.
Redémarrage, pour une nouvelle longue route, peu être un peu meilleure que d’habitude, mais encore bien cahotante. En fin d’après-midi, nous arrivons au bout du lac Issyk-kül que nous suivons longtemps au milieu d’étendues désertiques et de petites oasis. C’est un immense lac, un des plus grands de la planète en étendue. 700 mètres de profondeur, il est légèrement salé et ne gèle jamais. Dans le début de soirée, nous arrivons dans un ancien petit village peuplé de russes. La région est riche en différents minerais et à l’époque soviétique, la race des seigneurs ne se mélangeant pas, pas trop, aux petits-fils de Gengis Khan, les ingénieurs et le staff d’importation vivaient dans des sortes de villages-ghettos « dorés ». Quelques centaines de Russes habitaient là jusqu’à l’indépendance du pays. La maman de Slava, notre accompagnateur russo-kirghyze nous attend avec grande joie. Rude soirée pour le foie. Les Kirghizes fabriquent d’excellentes vodkas. Je vous recommande la marque Manas, du nom du célèbre héros mythologique des steppes. Les autres aussi. Les voisins, voyant arriver des étrangers défilent à tour de rôle…

19/7  
Grande journée montagne. Nous partons tôt pour atteindre le col de Tamga à 4020 mètres d’altitude, dans la neige et le grésil. La frontière chinoise est proche. Végétativement  parlant, zone très intéressante. Saxifrages jaunes en fleur quasiment sous la neige, avec asters alpins, saussureas miniatures aux fleurs entourées de filaments doux comme du coton, Chorispora sabulosa, magnifique petite brassicacée mauve, souvent seule représentante du monde végétal dans les éboulis rocheux. Belle récolte de graines. Nous redescendons dans de fortes bourrasques de grésil  et croisons dans les hauts plateaux deux cavaliers. Contrebandiers pressés. Plus bas, nous pique-niquons juste sous la zone enneigée. Là, c’est un nouvel émerveillement. Nous trouvons une plante avec de grosses fleurs blanches que nous pensons d’abord être une Potentille arbustive. Finalement, nous le rangeons dans les Rubus. Vraiment une espèce à acclimater dans nos jardins. Campanule, Codonopsis et Cirsiums à grosses fleurs roses sont en masse dans les coulées.
De retour à la datcha, nous emballons, répertorions et étiquetons l’abondante récolte du jour.
Ce soir, repas de rois. Nous nous régalons de mantis et poissons du lac.

20/7
Ce matin, je fais le tour du village pour faire des photos. Les maisons ont été construites quelquefois de manière tout à fait surprenante. Matériaux de récupération, vieux caissons de télécommunications, murs banchés en terre. Un vieux joint de culasse de camion fait une très bonne antenne de télévision. Il faut savoir tout réutiliser.
L’après-midi, nous partons, Pierre, Patrice et moi, sur les contreforts de la montagne. Les Brochet sont partis faire de l’escalade. Nous trouvons une nouvelle espèce d’Acantholimons en grande quantité. Grâce à la pince à échardes de mon couteau suisse, j’arrive à extraire des graines, car ils sont très épineux. Il y a également beaucoup d’ Equisetums d’un très beau bleu. Ils sont ramassés dans la région pour l’industrie pharmaceutique. Nous gouttons leurs fruits rouge orangés légèrement sucrés. La graine dure est à recracher.
Nous nous retrouvons tous en fin d’après-midi pour un bain dans le lac. Le premier depuis maintenant bien longtemps. Pas vraiment chaud, mais ça fait du bien.

21/7
Nous roulons vers Caracol, anciennement Przewalski, du nom du célèbre explorateur russe découvreur du petit cheval. C’est une ville du siècle dernier avec de belles grandes maisons russes, une grande église tout en bois. Un bazar assez moderne est installé sur la place centrale .On peut y trouver des sacs de sport rappelant la coupe du monde de foot, de nombreux Thermos chinois, des bijoux, et quelques souvenirs. Plus loin, de nombreuses boutiques vendent du matériel d’occasion en tout genre, et au marché, il y a une zone réservée également au matériel d’occasion, où l’on peut trouver des pièces de toutes les machines qui ont été démontées quand les russes sont partis et que les usines aient été fermées. Nous mangeons dans un petit restaurant bien sympa, géré par un groupement de femmes qui se sont ainsi créé leur travail. Surtout des spécialités de la minorité chinoise, autrefois bouddhiste, qui réside dans cette région. Nos guides ont une combine pour dormir ce soir. Un appartement vide dans un ensemble HLM, un peu à l’écart du centre. Constructions très curieuses de blocs préfabriqués montés les uns sur les autres pour constituer des immeubles à quatre étages. Dans l’appartement, on peut voir de grosses agrafes métalliques qui solidarisent les pièces entre elles, sans aucune précision. Les escaliers ont des espèces de fausses marches pouvant atteindre 7 à 8 cm aux raccordements des paliers Les espaces verts centraux ont transformé en petits potagers par leurs habitants, nécessité oblige.

22/7
Nous atteignons le col de Ay-Bulak à 3800 mètres , après avoir fait une superbe halte à 2800 mètres, où nous découvrons une forme blanche de Scutellaria , baptisée aussitôt ‘Edith’. A cet endroit, je note aussi Gentiana tianshanica et une belle graminée indéterminée. Nous suivons la rivière Kolyn, qui se jette dans le Syr-Daria à Inilshek. Nous arrivons dans cette zone qui fut, il y a peu de temps encore, un immense site minier. Ce n’est plus que ruines, mines à ciel ouvert abandonnées, immeubles en construction laissés en l’état, grues de construction accrochées dans les airs bras ballants, usines fermées, pillées, éventrées et vides. Ensuite, nous prenons une route complètement défoncée, absente de nombreux endroits pour rejoindre la base militaire de Maiddaby, qui sert aussi de camp de départ pour les alpinistes se rendant au pic Pobedy en hélico. Là aussi les bâtiments sont en ruines. Un vieil appareil de l’armée soviétique repeint aux couleurs de Kirghizstan Air attend les rares clients. Le coin est en zone sensible, environ 40 kms de la Chine. Les Russes continuent malgré l’indépendance du pays à garder les frontières. Tout le monde se surveille.  Photos interdites. Le retour est programmé pour nous, d’autant plus vite que la flore locale ne nous apporte rien de nouveau. La neige est tombée entre-temps et la descente du col est délicate. Un camion transportant des veaux, des moutons et une grand-mère s’est fait piéger dans une congère. Nous nous arrêtons. Slavia, notre chauffeur sort ses outils et répare vite fait le système de crabotage des roues avant. Plus bas un vieux char d’assaut transformé en chasse-neige dégage la route. Le soir, nous retournons manger dans le même petit resto sympa que la veille.

23/7
Le retour vers l’Europe, c’est pour bientôt. Départ vers 8 heures après un solide petit déjeuner et un tour de marché pour quelques victuailles. Il faut faire le plein . Aussi, c’est armés de patience que nous faisons la file pendant une bonne demi-heure à la seule pompe à essence officielle de la ville, dans une pagaille peu commune, où bus, voitures et tracteurs attendent l’ordre de remplir les réservoir suivant un rituel assez complexe.
Nous devons partir vers le nord pour rejoindre Almaty, anciennement Alma-Ata, au Kazakhstan.
Nous traversons une zone de collines très intéressantes, et boisées. Dans un éboulis, un magnifique Origanum sp. mauve rougeâtre tient compagnie à une Ruta au fin feuillage découpé. Des apiculteurs itinérants ont installé leurs campements dans la vallée avec leurs ruches bien rangées sur des remorques de camions.
En fin d’après-midi, nous nous arrêtons camper une dernière fois, le long de la rivière Kiziltchar qui fait frontière à cet endroit entre le Kirgizstan et le Kazakhstan . Nous trouvons refuge dans un ancien poste frontière abandonné depuis que la frontière a bougé. Un bon coup de balai, et nous étendons nos duvets dans un vieux hangar qui a encore son toit. Nous ne dormons que d’un œil cette nuit là, car deux cavaliers complètement éthyliques nous ont vu, sont venus prendre de nos nouvelles, et n’arrivent pas à rentrer chez eux !
 La région est couverte d’Abies schrenkiana et nous trouvons dans les clairières fraîches une flore riche avec des aconits, ancolies, delphiniums et une grande population de Hieracium aurantiacum.

24/7 
Réveil à 6 heures, car la route est encore longue et mauvaise dans sa première partie. Le passage de la frontière se fait assez rapidement, puis nous nous engageons dans une grande steppe bleuie par les armoises. De temps en temps, nous traversons un kholkoze, assez bien tenu au niveau des cultures. Epoque des moissons. La différence est très nette entre les deux pays. Ici, les tracteurs ont du carburant, et peuvent travailler.
 Nous traversons enfin la chaîne de l’Alatau si riche en tulipes et bulbes divers sans pouvoir nous y arrêter suffisamment, par manque de temps. Un halte me permet de trouver un riche ‘gisement’ de Rosularia spinosa et Rosularia platyphylla.
Almaty n’est plus loin. Aussi nous nous arrêtons près d’un ruisseau pour laver les véhicules avant d’entrer en ville. C’est, paraît-il, une sage précaution pour ne pas avoir d’ennuis avec la maréchaussée. Faut être propre pour aller à la ville !
La voici, enfin, cette ville qui est le terme de notre voyage. Une grande ville avec beaucoup de grosses voitures. Ce n’est plus la campagne. Banques, assurances, stations service, passants, publicités, nous ramènent à l’occident.
Nous faisons une très intéressante visite au jardin botanique guidés par un spécialiste des bulbes. Comme à Taschkent, les moyens de faire vivre le jardin sont quasiment nuls, et les responsables recherchent une ouverture. Il semblerait qu’une fois de plus, les premiers à l’avoir compris soient les Hollandais…
                                                                       Michel Lumen